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L'etable

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Je pris mon premier souffle
Mêlé de poussière de paille et de liquide amniotique
Et nous nous reconnûmes tout de suite
Je tétais son lait en murmurant "maman"

A peine un peu plus d'un jour plus tard
L'un des gardiens me pris et m'installa avec d'autres veaux
Ma mère criait mon nom, je criais le sien
Et mes compagnons m'imitaient ou était résignés par le temps

Toutes les mamans étaient aux champs la journée
Et la grange résonnait de nos pleurs
On nous donnait une mixture mélangée à un peu de lait
Mais nous n'y reconnaissions plus celui de note propre mère

Lorsque je fut assez grande et que la force d'appeler m'avait quittée
On me prit avec d'autres filles pour nous installer dans un champ
Nous y passions un an, parfois dans un froid à se glacer les os
Avec pour seul abri un arbre et un abreuvoir

Les gardiens ne venaient pas souvent dans le champ
Mais lorsqu'ils étaient là c'était avec celui qui fait du mal
Il piquait nos veines, vérifiait nos intestins
Et parfois même enfonçait son bras dans notre intimité

Je ne comprit que plus tard que j'étais enceinte
Sans avoir été courtisée ni défleurie par l'un de mes paires
J'étais une vierge qui allait enfanter
Au milieu de toutes ces filles qui étaient peut-être des cousines

Il arriva au lever du jour, sur l'herbe et sa rosée
J'ai cru que j'allais mourir mais je suis à présent si heureuse
Il respire, il tète, il est même arrivé à se mettre debout
Les autres filles nous entourent pour nous protéger, à défaut de père

Le gardien vint nous chercher le jour suivant, mon fils et moi
Mais ma place fut dans l'étable et la sienne dans une stabulation
Nous nous appelions, nous criions, mais rien ne changeait
Et je découvris avec mes consœurs ce qu'était la traite

Le matin et le soir le gardien nous accrochait un lourd appareil
Qui aspirait et pressait nos tétines pendant des minutes qui durait des heures
Car souvent cela me faisait mal, j'avais l'impression qu'on me vidait
Et selon les jours de mon cycle j'étais beaucoup plus sensible

Lors d'une sortie aux champs, je pus revoir ma mère
Mais elle semblait si fatiguée, avec ses pis énormes et ses os saillants
Nous sommes simplement restées près l'une de l'autre
Jusqu'à ce qu'un jour je ne vis plus sa forme singulière dans le pré

Avec les années qui passaient, j'eus plusieurs enfants
Alors que j'étais toujours vierge, que je n'avais rencontré aucun taureau
A chaque fois on me les enlevait et je criais pour les appeler
Mais je n'avais comme réponse que le bruit assourdissant des machines à traire

Comme ma mère, j'eus la chance de voir l'une de mes filles au champ
Mais, comme ma mère, je restai muette, restant simplement auprès d'elle
Je me demandais ce que devenaient mes fils et mes autres filles
Mais je me contentai, avec la faiblesse qui me restait, d'apprécier ces retrouvailles

Je vieillis prématurément et sentait la machine à traire tirer dans le vide
J'avais aussi des abcès, cela me faisait si mal
Et je n'avais à présent plus d'enfants qui germaient en moi
Même si celui qui fait du mal était allé plusieurs fois "là"

Un gardien me chargea dans un camion avec un veau
Il était l'un de mes fils, nous nous réconfortâmes dans cet endroit inconnu
Mon fils reconnaissait l'odeur de mort où nous allions
Mais il resta simplement allongé auprès de moi

Le gardien dut me tirer car je n'arrivais plus à me lever
Mes forces m'avaient abandonnées, pour de bon cette fois
Mon fils m'aida puis passa devant, comme pour me protéger
Comme une dernière galanterie morbide devant ce qui nous attendait

Dans les couloirs, je sentis immédiatement la peur, la fin, la mort
Mais qu'était-ce la mort après tant de souffrances?
Je ne vis plus mon fils qui était partit dans un autre couloir
J'étais à nouveau seule, comme le jour après ma naissance

Il y avait là d'autres gardiens qui me faisaient avancer
Mais maintenant je me demandais pourquoi nous les nommions ainsi
Pourquoi j'eus tant d'enfants qu'on me retira
Et pourquoi on me volait mon lait deux fois par jour

On plaça un pistolet vers ma tempe et tout fut fini

Comme seule réponse ma carcasse vieillie passait par les machines
Se faisant découper en de plus en plus petits morceaux
Allant dans des barquettes plastifiées, puis des magasins
Et terminant dans l'assiette d'un gardien
Après une certaine absence voici un texte sur la filière du lait, suite à plusieurs documentaires que j'ai vu et mon expérience personnelle de la ferme. Peu de gens savent ce qu'implique de boire son verre de lait chaque matin, et loin de moi l'idée de donner des leçons, mais plutôt de tenter d'expliquer ce qu'il se passe derrière une brique à 1 euro de votre magasin. Questions et débats bienvenus, mais s'ils devaient finir en posts stériles je préfèrerais les supprimer. Chacun est libre de ses pensées et de ces choix. Merci.
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Comments21
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Ce texte est mielieux. Tellement niais qu'après deux strophes l'intérêt s'estompe. Et d'ailleurs, pourquoi l'écrire en strophes si ce n'est même pas pour y placer quelques rimes ou alexandrins? :D. Le développement est long et laborieux, la chute prévisible et amenée avec une telle... j'aimerais dire douceur pour arrondir les angles mais niaiserie me parait plus approprié, qu'elle en devient insipide.
Ce texte ne m'a absolument pas fait vibrer mais je salue le geste d'écriture et remercie l'auteur pour cette lecture.